Dominique Grave (19 mai 1957 — 5 mai 2011)

Adieu mon Amour

Dominique Grave à Seyssinet-Pariset en août 2002.D’abord, merci à tous d’être venus. Et merci également à ceux, nombreux, qui bien qu’absents nous accompagnent aujourd’hui en pensée. C’est à Dominique, encore une fois, que je vais faire appel, afin qu’il m’insuffle la force de dire — sans pathos indécent — combien je l’ai aimé, combien il va me manquer, combien il a bouleversé ma vie de sa présence lumineuse. J’espère trouver le courage de prononcer ces lignes si possible sans pleurer.

Le terme qui exprime le mieux ce que je ressentais pour Dominique, c’est – au-delà de l’amour bien sûr – l’admiration. Une immense admiration, qui n’a jamais faibli, qui s’est au contraire renforcée chaque jour, à mesure que je découvrais toutes les nuances et toute l’étendue de ses qualités, qualités d’âme, de cœur et d’esprit. Intelligence, élégance morale, pudeur, délicatesse des sentiments, durant les épreuves de ses derniers mois il n’a renoncé à aucune d’elles. Digne, jusqu’au dernier moment.

Dag Hammarskjöld note dans son journal : « Je crois que nous devrions mourir avec décence, afin qu’au moins la décence survive. » Dominique nous a fait ce don de décence extrême. Et nous ne sommes plus les mêmes de l’avoir rencontré. Nous sommes plus riches et meilleurs.

Un de nos amis m’a demandé de le remercier, aujourd’hui, pour tout ce qu’il lui a donné. De qualités humaines, mais aussi de savoir. Le savoir de Dominique était un océan immense et généreux, à la mesure de sa curiosité d’esprit inextinguible. Il vivait dans la tension constante de toujours apprendre, toujours transmettre ; se remplir de connaissances pour en faire don aux autres à la moindre occasion. Les livres… Dominique était un amoureux passionné des livres, et des mots. Il croyait en l’esprit humain, en l’intelligence, en l’humanité. Il a été lui-même un si bel être humain, d’une telle intensité et d’une telle délicatesse, qu’à travers lui notre propre humanité en est sortie grandie. Au-delà de la peine que nous ressentons, quand le déchirement se fera plus supportable, c’est cela que nous retiendrons : que nous avons eu une chance extraordinaire de l’avoir connu.

Dominique Grave le 9 mars 2008.

Tout ce qu’il nous a donné, tout ce qu’il nous a appris, il nous revient maintenant de le transmettre à notre tour à d’autres, pour faire vivre encore les valeurs auxquelles il croyait.

Son ami Roger Roques le décrit ainsi : « le type qui crée un esprit des lieux partout où il passe ». Je vais répéter ces mots pour qu’ils fassent vraiment sens et qu’ils se frayent un chemin dans nos esprits, pour que chacun d’entre nous prenne le temps de les soupeser et de se demander si ce n’était pas là une de ses qualités les plus magiques : « le type qui crée un esprit des lieux partout où il passe ». Je crois, pour ma part, qu’il avait ce pouvoir, d’alchimiste. Et je crois sincèrement que grâce à lui une lumière particulière éclaire ce monde.

Il va désormais reposer au Père-Lachaise, « la ville où personne ne meurt jamais », comme l’écrit encore son ami Roger. Ça me semble juste qu’il soit éternel ici.

Et pour que chacun d’entre nous dialogue avec sa propre douleur et ses propres souvenirs, je finirai sur ces mots de René Char écrits à la mort de Camus et que m’a soufflés Anne Raulin : « Avec celui que nous aimons, nous avons cessé de parler, et ce n’est pas le silence. »

à Paris, le 11 mai 2011

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