Jean Léchère (Vérosvres, 19 mars 1907 – Vérosvres, 4 novembre 1995).
Auriez-vous imaginé, il y a quarante ou cinquante ans, une paroisse sans son « marguillier » ?
Le marguillier ? Un personnage presque aussi important que le curé… Il était facilement reconnaissable dans l’église, car il occupait ordinairement la place la plus rapprochée de l’autel où officiait le célébrant.
Je voudrais rappeler ici ce que fut la longue carrière de celui de la paroisse de Vérosvres et, en même temps, rendre hommage à ceux qui, ailleurs, ont fait ou font encore un travail similaire.
Notre ami, l’ami de tous, Jean Léchère, né en 1907, occupa ce poste depuis l’âge de 14 ans.
Ces dernières années, sa santé un peu déficiente l’a obligé à abandonner ses fonctions, mais cela fait quand même 70 années de bons et loyaux services rendus à la paroisse, interrompues seulement par les obligations du service militaire.
Il en a « usés » des prêtres chargés de la paroisse de Vérosvres. Et comme l’ordination sacerdotale ne donne pas automatiquement la vertu de patience, il lui a bien fallu s’adapter à la manière de faire et au caractère de chacun.
Il aime bien raconter ses souvenirs : deux ans avec l’Abbé Desgranges, trente-quatre ans avec l’Abbé Ferrières, dix-sept années avec le Père Lesaffre, neuf avec le Père Dury. Et jusqu’à ces dernières années, il a aidé de son mieux notre actuel curé, le Père Fontany.
Peut-être beaucoup d’entre nous ne s’en sont-ils guère préoccupés, mais la place n’était pas de tout repos !
Il vous dira que de 14 à 21 ans, tous les matins, à 6 h 30, il a sonné la cloche pour la messe, assisté à cette messe, chanté même avec le prêtre. Combien de fois, à raison de trois par jour, a-t-il tiré sur la corde pour sonner l’Angélus, et cela depuis 1921 jusqu’à l’électrification des cloches, à Noël 1980 ! Cet Angélus que nous aimons bien entendre, et qui rend encore vivants nos petits villages !
Et qui, après avoir « sonné le quart d’heure », préparait, chaque dimanche, l’autel, allumait les cierges et le chauffage, et veillait à ce que rien ne manque ? Toujours lui. Il est toujours bien agréable, en franchissant la porte d’une église, de la trouver bien accueillante !
Chaque génération d’enfants de chœur se rappelle son bon sourire, ses boutades même, voire ses petites farces !
Son travail encore, récolter, chaque dimanche, le prix de la location des chaises, à une époque où cela se faisait couramment et où les chaises servaient à quelque chose ! Personne ne doit mieux connaître que lui les petits recoins de notre église, car pendant vingt-huit ans, tous les vendredis, c’est lui qui la balayait et enlevait la poussière des chaises et des bancs.
C’est encore lui, naturellement, qui sonnait le glas, toutes les deux heures ou trois fois par jour, selon la demande des familles, pour nous avertir que quelqu’un de chez nous nous avait quitté. Et rappelons-nous ces interminables sonneries le soir de la Toussaint, depuis la fin des vêpres jusqu’à l’Angélus du soir, et le lendemain depuis l’Angélus du matin jusqu’à la messe.
Il y avait bien quelques compensations : les baptêmes et les mariages, où la coutume voulait que les étrennes données par les participants soient un peu le paiement de la sonnerie de cloches qui allait suivre la cérémonie. Certains ont prétendu que chez tous les marguilliers du monde le temps de la sonnerie ou du carillon variait en fonction de la générosité de l’assemblée… C’est du moins ce que disaient les mauvaises langues !
Brave Jean Léchère ! Il s’est souvent fait plaisanter au sujet de ces « étrennes ». Mais le ciel lui a fait don d’un calme et d’une bonne humeur, ainsi que d’une répartie à toute épreuve ! Pour avoir le dernier mot avec lui, il faut se lever bien avant l’aube !
Soixante-dix ans au service de son curé, de sa paroisse, soixante-dix années de présence chaque dimanche et fête, toujours à la même place. Il nous manque depuis que sa santé ne lui permet plus de venir à l’église.
Dans sa maison, tout à côté de l’église, où il vit maintenant plus calmement, il se tient toujours au courant de tout ce qui concerne la paroisse ; il est toujours de très agréable rencontre. Et nous lui souhaitons, entouré de l’amitié des « Vroulons » et de l’affection de ses enfants, encore de longues années d’une retraite bien méritée.
Article de Jean Desbois, paru dans le Bulletin paroissial (Saint-Bonnet-de-Joux, Paroisse des Monts du Charolais), dépôt légal : 3e trim. 1993.

Légende de l’image : Jean Léchère (avec le tambour) au côté de François Lacharme, le maire de Vérosvres, entourés des Vroulons (gentilé des habitants de Vérosvres), en mars 1978.
Crédit photographique : Marc Combier (Les murs peints murmurent.).